Eka Ashate : ne flanche pas, de Naomi Fontaine

Le récit commence entre deux rivières. Là nait la narratrice, sur le territoire Innu, occupé par la communauté Uashat et la communauté Apituamiss.

Ensuite, on plonge.

Dans le regard de la mère de la narratrice, qui, « si elle n’avait pas été une reine Je ne serais pas écrivaine » dit-elle en dédiant son livre à cette femme forte, empreinte dès l’enfance d’une idée qui la ferait longtemps souffrir: être blanc était mieux qu’être Innu.

Ensuite, on hurle.

De la constance des jours sur le territoire, la voix des ainés qui enseignent, le rythme des femmes qui préparent les repas, qui veillent. La voix du vent, celle de la forêt, quand les saisons se préparent à changer, à passer, à revenir. Des enfants libres et rieurs, soudain arrachés à leurs parents impuissants, trainés dans des pensionnats.
Des lieux de peur, de faim, de violence, d’abus physiques et sexuels. Au creux du lit, le sommeil n’amenant aucun repos. Juste la terreur d’être choisi cette nuit-là.
Le coeur de tant d’enfants devenu grands frémissent encore face à ce souvenir, bien qu’à l’abri dans la communauté, dans leur maison imposée.

Ensuite, on s’émeut.

Le souvenir du voisin qui voit passé dans la rue la mère de l’autrice, ses quatre bambins en file derrière elle, et qui dit à son épouse: « Voici la maman cane et ses cannetons. » Parce qu’on aura lu les douleurs qui précèdent ce moment doux, parce qu’on aura lu la persévérance, la reconnaissance, la tendresse du souvenir. La fierté, aussi, de la pieuse grang-mère autoritaire.

L’enfant Innu traité de maudit sauvage par l’enfant blanc dans la cour d’école. L’enfant Innu qui montre ce qu’est être sauvage et frappe l’enfant blanc au visage. Il sait, l’enfant Innu, utiliser des mots pour s’exprimer. Il sait que la réponse aux insultes n’est pas la violence. Il le sait, parce que l’enfant Innu n’est pas un sauvage.

L’homme âgé qui admire le corps sublime de sa femme, le corps rond, ridé, usé par les grossesses, le labeur, le temps. L’homme âgé qui embrasse les larmes de sa femme après l’amour.

Souvent, j’ai posé le livre. Submergée d’émotions, de beauté. Submergée de honte, de douleur.

Un récit d’une force immense, dans lequel s’immerger, duquel apprendre à comprendre, à écouter.

Tendresse, lumionisité, vent de la Côte-Nord et moiteur des étés dans la basse-ville de Québec, tout cela parsemé des souvenirs des ainés, de la famille.

Je souhaite une traduction dans toutes les langues.

Je rêve que ce livre devienne lecture obligatoire au Cégep.

Eka Ashate : ne flanche pas, un récit exceptionnel.

Bonne lecture, à bientôt !

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Auteur : Marie Alice

Writing away and reading books. Joy! Écrire à tout vent et lire des romans. Joie!